COOPERATION DECENTRALISEE  Partenaire de l'agglomération rurale de Boussoum ( 4500 hab.) Cne de Tougan - Sourou / BURKINA FASO. Développement durable : santé-scolarité-coopérative de travail des femmes Logo061 7

Nanga Boussoum en Carladès ........France / Burkina-Faso ........... COOPERATION DECENTRALISEE ...... SANTE / SCOLARITE / CADRE DE VIE / ACTIVITES GENERATRICES DE REVENUS POUR LES FEMMES

Panneau solaire au dispensaire

2011 > Extrait de "Chemin de brousse", un CARNET DE VOYAGE pour un panneau solaire !

 

   J ’avais demandé à visiter le dispensaire avant de repartir. C’était le président des Parents d’Elèves qui devait me véhiculer aujourd’hui ! Tous les hommes savent faire de la moto ou de la mobylette, ici ! Discret et efficace, il a été présent depuis le début, Abdoulaye. Je le remercie vraiment ! ...

 

 ... Le soleil a entamé son arc ascendant. Il faut arriver assez tôt au dispensaire pour ne pas perturber les consultations. L’ensemble est bâti sur le même principe que l’îlot attribué au directeur : blocs carrés, même couleur. Entre les bâtiments, une pompe à eau de bonne capacité. Le major, une jeune dame de vingt-huit ans, nous accueille dans le bâtiment administratif qui sert aussi pour les consultations et les urgences. Elle dirige depuis 2009 ce dispensaire, construit dans le cadre du PNGT2, vaste programme national de gestion des terroirs dont l’objectif est la réduction rapide de la pauvreté rurale. C’est un programme de développement axé sur les villages de brousse qui suppose le cofinancement du projet et la gestion du suivi par la communauté villageoise, l’impliquant ainsi dans une action durable. Madame BADIEL Alimata est ivoirienne. Infirmière titulaire d’un brevet d’état, elle est aidée d’un infirmier breveté et de deux auxiliaires formés sur le tas. Elle est celle qui veille sur la santé des 3200 habitants de Boussoum ! En théorie, s’entend ! Comment assurer le suivi médical d’une telle population sans matériel, sans un vrai dépôt de médicaments ?

 

Comment faire adhérer ces mères sans argent, dépendantes des coutumes et de leur mari, aux actions de prévention, de suivi, aux actes de guérison ? Comment informer ? Comment combattre la maladie quand il est trop tard parce que le malade n’a pas su, par ignorance, ou n’a pas pu, par pauvreté, venir au dispensaire ? Comment récupérer le dégât fait sur les jeunes femmes par les pratiques ancestrales, celles de l’excision par exemple ? Elle est bouleversante madame le major ; et pourtant elle parle calmement, presque le sourire aux lèvres d’une situation presque insoutenable ! Elle est digne. En France, nous n’avons pas le même fonctionnement dans la souffrance : nous pleurnichons, nous nous énervons, nous crions ! Mais les conjonctures sont différentes ! Je lui montre ce que j’ai apporté : des quantités de paires de lunettes et un tableau de lecture pour le dépistage des problèmes de vue. Elle me remercie. Tout est utile ; tout est dans le besoin ! Elle voudrait qu’il y ait un vrai suivi médical des élèves, un dépistage régulier. « C’est par le biais de l’école qu’on pourra atteindre les parents ! »

C’est vrai ; nous l’avons vécu en France : jusque dans les années cinquante, les enfants des milieux les plus modestes ne voyaient le docteur que lors des visites médicales à l’école ! Je prends soudain conscience que l’école a un rôle de plus à jouer ! S’unir avec le dispensaire, agir en transversale pour donner plus de force aux actions de prévention et de suivi médical. Il faut que j’aie une discussion à ce sujet avec le Directeur avant mon départ ; par téléphone, c’est trop compliqué pour se comprendre ! « Il faudrait que l’école constitue une caisse de solidarité médicale pour les élèves indigents ! » continue-t-elle, encouragée. Il me semble que ce serait possible ! Bassana en verra-t-il la nécessité ?

 « Voulez-vous visiter la maternité ? » me demande t -elle sans transition. Une maternité ? J’étais stupéfaite ! La salle d’accouchement est rudimentaire : une construction inclinée recouverte de carreaux blancs fait fonction de table de travail, un bidon d’eau, de l’antiseptique, quelques instruments, une torche. Que demander d’autre ! Puis les chambres … Deux bébés sont nés cette nuit. Je félicite les mamans et je découvre les bébés, tout petits, enfouis sous un tas de pagnes.

 

Désolée ! J’aurais bien voulu prendre des photos de la maternité ! « La batterie du numérique m’a lâchée ; elle n’a pas supporté la surcharge de travail que je lui ai infligée pendant ces trois jours ; et sans électricité … » . Elle sourit, Alimata, comme pour me pardonner cette remarque déplacée dans ce lieu, ou peut-être pour donner plus de force encore à ce que je vais entendre : « Savez-vousque la plupart des accouchements se font la nuit ? Quand les femmes viennent accoucher au dispensaire, c’est souvent parce qu’il y a des complications. Je les accouche avec la torche coincée entre la mâchoire et l’épaule ! » Silence de mort. « A tout moment, je peux déraper … j’ai souvent peur ! »

 Je n’en crois pas mes oreilles ! On ne peut pas avoir donné la vie et rester insensible à ce cri de détresse. Quelle claque !

  Et elle poursuit : « Ah, si le dispensaire était équipé d’un panneau solaire ! » Le reste de la visite, je ne la vois ni ne l’entends vraiment : je suis obsédée par l’image que je me fais d’un accouchement ici. D’ailleurs, la salle d’attente commence à se remplir ; ce n’est plus le moment de s’attarder. Quand j’embrasse Alimata pour lui faire mes adieux, je me dis que je la reverrai … parce qu’en la quittant, je sais que je me battrai pour elle et le panneau solaire ! …